Visite du centre de détention de Parwan

Très chers,
Cette semaine, je vous épargne assez largement, mais pas complètement, la relation des batailles d’état-major. Il y a d’abord quelques escarmouches qui s’interrompent au premier sang. Il y a aussi des embuscades menées à l’occasion de présentations au commandeur ou de leur préparation. Elles sont la traduction de luttes pour la conquête de compétences, de domaines d’intérêt, plus que de la recherche authentique de voies de progrès ou d’orientations nouvelles pour l’état-major. La puissance américaine et ses bataillons dominent complètement la scène et les rôles principaux. Dans les seconds rôles, les britanniques, les français, les allemands, avec les canadiens et les australiens, rien qui puisse réellement modifier le cours de la campagne et sa mise en scène, d’autant que la politique affichée pour certains consiste à s’aligner systématiquement sur les positions américaines. Dans ces conditions, les luttes se déplacent sur un nouveau terrain, celui fratricide des luttes interaméricaines[1]. C’est à qui pourra justifier de la plus grande proximité avec le commandeur, à qui claironnera la plus haut ou le plus astucieusement, avec des sous entendus dont la compréhension est réservée à un cercle limité d’élus, qu’il est l’interprète et le héraut le plus fidèle de ses pensées, de ses intentions, c’est à qui pourra avec la plus grande légitimité, réelle ou supposée, indiquer qu’il est “COMISAF centrix” au lieu de “Staff centrix”. Des alliances de circonstance se nouent entre tel et tel conseiller et tel officier général pour écarter ou réduire les positions de tel autre et puis ces alliances se défont. Rien que vous n’ayez d’ailleurs vu dans vos vies professionnelles ou au fait dans les cours d’école.
Certaines nations profitent ou tentent de profiter de ces affrontements pour réintroduire dans le jeu leurs visées propres et tenter d’orienter les travaux d’état-major dans la direction qu’elles favorisent. Il en est ainsi du concept de Transfer of lead security responsibility (TLSR) que les nations européennes veulent exhumer comme un moyen d’identifier une voie de sortie et des échéances, concept que les américains ne sont pas pressés de revoir. Mais le développement d’actions sur les lignes d’opération “gouvernance” et “développement” suppose (la ligne d’opération “sécurité” étant désormais gérée au plus près par l’ISAF Joint Command, état-major subordonné dont la valeur ajoutée n’est toujours pas très claire) une analyse district par district, d’ailleurs souhaitée par le commandeur. Cette analyse conduit mécaniquement à évaluer le risque d’un transfert et la possibilité de réduire l’empreinte de l’ISAF. Ce qui tombe au mauvais moment, alors que l’ISAF demande des troupes supplémentaires..
J’ai toujours aimé voler mais sur le théâtre, les trajets en Transall et en C130 vers et de retour de Kandahar, les seuls que j’ai fait jusqu’ici, n’avaient rien de bien passionnant. Mais là j’ai pu voler en Chinook MH 47 D, ce gros hélicoptère bipale qui emmène autant de fret qu’un Transall et se pose en montagne. Nous étions invités à visiter le centre de détention pour insurgés récemment construit à Bagram[2] avec les représentants d’autres nations dont les allemands et je me suis demandé si d’autres que moi pensaient à l’expertise allemande en matière de détention..
Le vol commence avec l’arrivée d’un Blackhawk et du Chinook, l’embarquement rapide[3] sous les pales, la chaleur du souffle des turbines, l’odeur de carburant, rejoindre un emplacement aux ordres du loadmaster, la vérification de la tension des ceintures, la montée rapide, les mitrailleuses en sabord et à la porte arrière, ouverte pendant tout le vol, prêtes à ouvrir le feu en réponse éventuelle à des tirs venus des crètes ou du sol. Par dessus tout le sentiment de liberté du vol est bien là. La température est agréable, je porte un blouson de vol pour embêter l’armée de Terre, et nous survolons une plaine parfaitement plate mais qui supporte quelques soudaines élévations séches de roche friable et qui va jusqu’à Bagram. Ou plutôt jusqu’à l’Hindu Kush, muraille massive et élégante qui se dresse d’un coup, rose et grise, entourée de brumes bleutées, couronnée de neige brillante.
Les exposés sont concis, minutés mais il est répondu aux questions sans hésitation, et personne ne pose de questions sur la pratique de méthodes d’interrogation condamnables avant la venue au pouvoir de Obama. Moi non plus d’ailleurs. Aprés une heure de visite où la réalité de la prison nous frappe indépendamment des faits reprochés et de la dangerosité bien réelle des prisonniers, il est temps de soulager la tension. Il y a là bas de longs corridors et de petits chariots de golf alignés destinés à transporter les détenus enchainés et je propose au directeur de la prison d’apprendre “Swing low sweet chariot “ aux islamistes, ce qui le fait sourire mais il a peut-être des ordres. Un buffet clôt la visite avec des fruits frais et du café, des sandwiches. J’évoque quelques questions juridiques avec avec le coordonnateur de la visite, un général Judge Atttorney General, et et puis je parle avec d’autres, des sous-officiers chargés de surveiller les prisonniers qui rient quand je leur demande où je peux fumer une cigarette et quand me l’ayant dit, j’ajoute, alors qu’ils restent à l’intérieur “Allright guys, don’t lock me out and also don’t lock me in..”. Le retour est sans histoires, encore ce fabuleux hélicoptère, le soir qui tombe, l’arrivée sur Kaboul.
Bon week-end à tous,
Compte-rendu de visite au centre de détention de Parwan/Bagram
Les détenus du BTIF (Bagram Theater Internment Facility) vont être transférés avant Noël 2009 dans un nouveau centre entièrement neuf qui a couté soixante millions de dollars américains. Les autorités américaines ont invité à le visiter d’abord les ambassadeurs puis les autorités militaires nationales de Kaboul, puis les ONG et enfin la presse internationale. J’ai pu visiter ce centre
Cadre juridique applicable.
La détention de personnes dans le cadre d’un conflit armé international est régie par le droit international humanitaire. Les personnes détenues doivent être traitées conformément aux dispositions de cette branche du droit. En particulier, les règles énoncées dans les IIIe et IVe Conventions de Genève doivent être observées. La détention de personnes dans le cadre d’un conflit armé non international est régie par l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, les règles du droit international humanitaire coutumier, le Protocole additionnel II lorsque ratifié et les dispositions du droit international des droits de l’homme et celles du droit nationales[4] qui s’y rapportent.
L’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève est la norme minimale[5] qui régit le traitement de toute personne détenue par les États-Unis ou un autre pays dans le cadre d'un conflit armé non international.
Les personnes détenues dans le cadre d’un conflit armé peuvent l'être soit du fait de leur statut de combattant (dans le cas d'un conflit armé international), soit parce qu'elles représentent une grave menace pour la sécurité, ou encore parce qu’elles sont suspectées d’avoir commis un crime.
Les personnes détenues pour des raisons de sécurité impératives doivent l'être dans un cadre juridique adéquat qui leur donne les garanties de procédure nécessaires pour s'assurer que leur détention est légale. Elles ont par exemple droit à ce que leur cas fasse l’objet d’un examen périodique indépendant et impartial qui déterminera si leur détention prolongée pour des raisons de sécurité est justifiée[6].
Action du CICR
Le CICR entretient un dialogue permanent avec les autorités américaines sur les garanties de procédure qui doivent être accordées aux personnes détenues pour des raisons de sécurité impératives. Le but de ces garanties minimales est d’assurer des procédures d'examen transparentes et équitables pour déterminer la légalité de la mesure d’internement ou de détention administrative. Elles contribuent également à atténuer le stress mental et émotionnel que connaissent les détenus[7] et leur famille en raison de l’incertitude qui règne quant à leur sort.
Depuis janvier 2008, les personnes internées au BTIF [8] peuvent communiquer avec leurs proches grâce à un système de visioconférence. Les liaisons vidéo ainsi mises en place par le CICR et les autorités américaines permettent aux détenus de s'entretenir avec leurs proches pendant 20 minutes, tout en les voyant sur un écran.
Depuis septembre 2008, des détenus et des membres de leur famille ont été autorisés à se voir face à face dans un nouveau centre installé à cet effet à Bagram par les autorités américaines. Les familles peuvent s’inscrire pour une visite auprès de la délégation du CICR à Kaboul. Plus de 200 visites de ce genre ont été organisées à ce jour. S’agissant du système de visioconférence, le CICR fournit un soutien financier aux familles pauvres qui vivent dans des régions isolées du pays pour leur permettre de couvrir les frais de transport et de participer à ce programme.”
Commentaire final
Il faut ajouter à cela que des programmes de formation, d’éducation, d’apprentissage de la lecture et du calcul élémentaire sont assurés et sont trés demandés par les détenus semble-t-il. Leur taux d’alphabétisation est de vingt pour cent à comparer avec les vingt-huit pour cent de la population totale, sachant que pour les filles il serait de dix sept pour cent. Ignorance et insurrection vont de pair évidemment, sauf pour les filles. Agriculture et maçonnerie les intéressent en particulier et ces actions sont essentielles pour la réintégration dans la vie civile. Par ailleurs les contacts noués au cours de ces sessions de formation sont certainement riches de renseignements si je puis dire. Un effort est donc fait pour distinguer[9] ce centre de ces prédecesseurs sans y perdre d’efficacité opérationnelle.
Au chapître des mesures de sécurité, il est difficile d’imaginer que les prisonniers[10] puissent s’échapper. Seul un assaut frontal d’une grande ampleur le permettrait et encore, à ma question sur le point de savoir si le no man’s land entre les murs anti roquettes et les barbelés comprenait des mines anti persosnelles, il m’a été répondu qu’il n’y avait pas de mines américaines. Comprenne qui pourra..
[1] Sans reproduire jusqu’ici à l’intérieur de l’état-major, les luttes qui opposent Mac Chrystal et Eikenberry, ambassadeur US et ancien COMISAF lui même.
[2] et qui fait l’objet de l’autre texte
[3] La zone de décollage est en terrain ouvert.
[4] Rien ne fait obstacle à ce que des détenus soient rendus aux autorités afghanes pour être jugés selon les termes de la loi afghane, le droit afghan étant immédiatement et concurremment applicable. Rien, si ce n’est que des questions de preuve se posent, que les juridictions ne sont pas prêtes, que la protection des juges n’est pas assurée, et que par ailleurs si ce centre doit être dans un avenir indéterminé remis aux afghans, la formation des gardiens n’est pas suffisante, les budgets n’existent pas et seul le ministère de la Défense pourrait s’en occuper en pratique alors que le centre devrait relever en toute logique du ministère de la Justice.
[5] Au cours des conversations que j’ai eues avec le général commandant la TF 435, il a clairement indiqué que le cadre juridique applicable à son opération est le DCA et l’article 3 commun aux Conventions de Genève. Il n’a pas été question de la Clause Martens, que l’on trouve à GC III, article 142, certainement applicable. L’applicabilité du GP I add aux GCs reste discutable, les opérations US sous OEF n’étant pas limitées à l’Afghanistan, mais s’ils l’ont signé, les US ne l’ont pas ratifié et ne veulent pas lui reconnaître d’effets de bonne foi (pacta sunt servanda).
[6] L’ensemble des cas est revisité tous les six mois par un Detainee Review Board, cette procédure ayant un caratère administratif et non judiciaire, et elle n’offre pas les garanties du débat judiciaire (absence de conseiller/défenseur, règles de preuve indéterminées, etc..)
[6] Pour tout dire les autorités US indiquent que les infrastructures d’accueil des familles des détenus pour les visites ont été conçues en liaison avec le CICR. Il n’en reste pas moins vrai que des empreintes biométriques systématiques seront prises pour tous les visiteurs (CICR excepté, j’imagine).
[7] Les détenus peuvent être relachés quand ils sont jugés ne plus présenter de danger pour les US ou la coalition. Dans ce cadre, j’ai demandé si des mesures de mise en liberté pour raisons compassionnelles existaient ou étaient mises en pratique. Un détenu a ainsi (j’ai posé la question au général commandant la Task force, puis au médecin chef, puis à l’officier renseignement, pour un recoupement complet) été libéré pour un cancer du pancréas peu de temps avant sa mort. Il a témoigné auprès de ses codétenus de la qualité des soins apportés et de son changement d’attitude et de pensée vis à vis des américains avant de partir. Il a aussi téléphoné à ses proches et leur a aussi indiqué que les américains ne sont pas aussi mauvais que l’on pense et qu’ils sont même plutôt bien…Tout cela était évidemment enregistré et il devait le savoir.
[8] Il m’a été précisé par la représentante du Department of Justice que les US n’envisageaient pas a priori de transférer de prisonniers de l’étranger vers ce nouveau centre de détention. Il n’est pas possible de le vérifier ou de s’assurer qu’il n’y en a pas déjà.
[9] Une des suggestions que j’ai pu faire, assez bien accueillie, consiste à modifier la couleur des vêtements des prisonniers, orange fluorescent pour marquer/signer un changement notable par rapport au sinistre Guantanamo.
[10] Il m’a été précisé que les US n’envisageaient pas a priori de transférer de prisonniers de l’étranger vers ce centre de détention. Il n’est pas possible de le vérifier ou de s’assurer qu’il n'y en a pas déjà
Cette semaine, je vous épargne assez largement, mais pas complètement, la relation des batailles d’état-major. Il y a d’abord quelques escarmouches qui s’interrompent au premier sang. Il y a aussi des embuscades menées à l’occasion de présentations au commandeur ou de leur préparation. Elles sont la traduction de luttes pour la conquête de compétences, de domaines d’intérêt, plus que de la recherche authentique de voies de progrès ou d’orientations nouvelles pour l’état-major. La puissance américaine et ses bataillons dominent complètement la scène et les rôles principaux. Dans les seconds rôles, les britanniques, les français, les allemands, avec les canadiens et les australiens, rien qui puisse réellement modifier le cours de la campagne et sa mise en scène, d’autant que la politique affichée pour certains consiste à s’aligner systématiquement sur les positions américaines. Dans ces conditions, les luttes se déplacent sur un nouveau terrain, celui fratricide des luttes interaméricaines[1]. C’est à qui pourra justifier de la plus grande proximité avec le commandeur, à qui claironnera la plus haut ou le plus astucieusement, avec des sous entendus dont la compréhension est réservée à un cercle limité d’élus, qu’il est l’interprète et le héraut le plus fidèle de ses pensées, de ses intentions, c’est à qui pourra avec la plus grande légitimité, réelle ou supposée, indiquer qu’il est “COMISAF centrix” au lieu de “Staff centrix”. Des alliances de circonstance se nouent entre tel et tel conseiller et tel officier général pour écarter ou réduire les positions de tel autre et puis ces alliances se défont. Rien que vous n’ayez d’ailleurs vu dans vos vies professionnelles ou au fait dans les cours d’école.
Certaines nations profitent ou tentent de profiter de ces affrontements pour réintroduire dans le jeu leurs visées propres et tenter d’orienter les travaux d’état-major dans la direction qu’elles favorisent. Il en est ainsi du concept de Transfer of lead security responsibility (TLSR) que les nations européennes veulent exhumer comme un moyen d’identifier une voie de sortie et des échéances, concept que les américains ne sont pas pressés de revoir. Mais le développement d’actions sur les lignes d’opération “gouvernance” et “développement” suppose (la ligne d’opération “sécurité” étant désormais gérée au plus près par l’ISAF Joint Command, état-major subordonné dont la valeur ajoutée n’est toujours pas très claire) une analyse district par district, d’ailleurs souhaitée par le commandeur. Cette analyse conduit mécaniquement à évaluer le risque d’un transfert et la possibilité de réduire l’empreinte de l’ISAF. Ce qui tombe au mauvais moment, alors que l’ISAF demande des troupes supplémentaires..
J’ai toujours aimé voler mais sur le théâtre, les trajets en Transall et en C130 vers et de retour de Kandahar, les seuls que j’ai fait jusqu’ici, n’avaient rien de bien passionnant. Mais là j’ai pu voler en Chinook MH 47 D, ce gros hélicoptère bipale qui emmène autant de fret qu’un Transall et se pose en montagne. Nous étions invités à visiter le centre de détention pour insurgés récemment construit à Bagram[2] avec les représentants d’autres nations dont les allemands et je me suis demandé si d’autres que moi pensaient à l’expertise allemande en matière de détention..
Le vol commence avec l’arrivée d’un Blackhawk et du Chinook, l’embarquement rapide[3] sous les pales, la chaleur du souffle des turbines, l’odeur de carburant, rejoindre un emplacement aux ordres du loadmaster, la vérification de la tension des ceintures, la montée rapide, les mitrailleuses en sabord et à la porte arrière, ouverte pendant tout le vol, prêtes à ouvrir le feu en réponse éventuelle à des tirs venus des crètes ou du sol. Par dessus tout le sentiment de liberté du vol est bien là. La température est agréable, je porte un blouson de vol pour embêter l’armée de Terre, et nous survolons une plaine parfaitement plate mais qui supporte quelques soudaines élévations séches de roche friable et qui va jusqu’à Bagram. Ou plutôt jusqu’à l’Hindu Kush, muraille massive et élégante qui se dresse d’un coup, rose et grise, entourée de brumes bleutées, couronnée de neige brillante.
Les exposés sont concis, minutés mais il est répondu aux questions sans hésitation, et personne ne pose de questions sur la pratique de méthodes d’interrogation condamnables avant la venue au pouvoir de Obama. Moi non plus d’ailleurs. Aprés une heure de visite où la réalité de la prison nous frappe indépendamment des faits reprochés et de la dangerosité bien réelle des prisonniers, il est temps de soulager la tension. Il y a là bas de longs corridors et de petits chariots de golf alignés destinés à transporter les détenus enchainés et je propose au directeur de la prison d’apprendre “Swing low sweet chariot “ aux islamistes, ce qui le fait sourire mais il a peut-être des ordres. Un buffet clôt la visite avec des fruits frais et du café, des sandwiches. J’évoque quelques questions juridiques avec avec le coordonnateur de la visite, un général Judge Atttorney General, et et puis je parle avec d’autres, des sous-officiers chargés de surveiller les prisonniers qui rient quand je leur demande où je peux fumer une cigarette et quand me l’ayant dit, j’ajoute, alors qu’ils restent à l’intérieur “Allright guys, don’t lock me out and also don’t lock me in..”. Le retour est sans histoires, encore ce fabuleux hélicoptère, le soir qui tombe, l’arrivée sur Kaboul.
Bon week-end à tous,
Compte-rendu de visite au centre de détention de Parwan/Bagram
Les détenus du BTIF (Bagram Theater Internment Facility) vont être transférés avant Noël 2009 dans un nouveau centre entièrement neuf qui a couté soixante millions de dollars américains. Les autorités américaines ont invité à le visiter d’abord les ambassadeurs puis les autorités militaires nationales de Kaboul, puis les ONG et enfin la presse internationale. J’ai pu visiter ce centre
Cadre juridique applicable.
La détention de personnes dans le cadre d’un conflit armé international est régie par le droit international humanitaire. Les personnes détenues doivent être traitées conformément aux dispositions de cette branche du droit. En particulier, les règles énoncées dans les IIIe et IVe Conventions de Genève doivent être observées. La détention de personnes dans le cadre d’un conflit armé non international est régie par l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, les règles du droit international humanitaire coutumier, le Protocole additionnel II lorsque ratifié et les dispositions du droit international des droits de l’homme et celles du droit nationales[4] qui s’y rapportent.
L’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève est la norme minimale[5] qui régit le traitement de toute personne détenue par les États-Unis ou un autre pays dans le cadre d'un conflit armé non international.
Les personnes détenues dans le cadre d’un conflit armé peuvent l'être soit du fait de leur statut de combattant (dans le cas d'un conflit armé international), soit parce qu'elles représentent une grave menace pour la sécurité, ou encore parce qu’elles sont suspectées d’avoir commis un crime.
Les personnes détenues pour des raisons de sécurité impératives doivent l'être dans un cadre juridique adéquat qui leur donne les garanties de procédure nécessaires pour s'assurer que leur détention est légale. Elles ont par exemple droit à ce que leur cas fasse l’objet d’un examen périodique indépendant et impartial qui déterminera si leur détention prolongée pour des raisons de sécurité est justifiée[6].
Action du CICR
Le CICR entretient un dialogue permanent avec les autorités américaines sur les garanties de procédure qui doivent être accordées aux personnes détenues pour des raisons de sécurité impératives. Le but de ces garanties minimales est d’assurer des procédures d'examen transparentes et équitables pour déterminer la légalité de la mesure d’internement ou de détention administrative. Elles contribuent également à atténuer le stress mental et émotionnel que connaissent les détenus[7] et leur famille en raison de l’incertitude qui règne quant à leur sort.
Depuis janvier 2008, les personnes internées au BTIF [8] peuvent communiquer avec leurs proches grâce à un système de visioconférence. Les liaisons vidéo ainsi mises en place par le CICR et les autorités américaines permettent aux détenus de s'entretenir avec leurs proches pendant 20 minutes, tout en les voyant sur un écran.
Depuis septembre 2008, des détenus et des membres de leur famille ont été autorisés à se voir face à face dans un nouveau centre installé à cet effet à Bagram par les autorités américaines. Les familles peuvent s’inscrire pour une visite auprès de la délégation du CICR à Kaboul. Plus de 200 visites de ce genre ont été organisées à ce jour. S’agissant du système de visioconférence, le CICR fournit un soutien financier aux familles pauvres qui vivent dans des régions isolées du pays pour leur permettre de couvrir les frais de transport et de participer à ce programme.”
Commentaire final
Il faut ajouter à cela que des programmes de formation, d’éducation, d’apprentissage de la lecture et du calcul élémentaire sont assurés et sont trés demandés par les détenus semble-t-il. Leur taux d’alphabétisation est de vingt pour cent à comparer avec les vingt-huit pour cent de la population totale, sachant que pour les filles il serait de dix sept pour cent. Ignorance et insurrection vont de pair évidemment, sauf pour les filles. Agriculture et maçonnerie les intéressent en particulier et ces actions sont essentielles pour la réintégration dans la vie civile. Par ailleurs les contacts noués au cours de ces sessions de formation sont certainement riches de renseignements si je puis dire. Un effort est donc fait pour distinguer[9] ce centre de ces prédecesseurs sans y perdre d’efficacité opérationnelle.
Au chapître des mesures de sécurité, il est difficile d’imaginer que les prisonniers[10] puissent s’échapper. Seul un assaut frontal d’une grande ampleur le permettrait et encore, à ma question sur le point de savoir si le no man’s land entre les murs anti roquettes et les barbelés comprenait des mines anti persosnelles, il m’a été répondu qu’il n’y avait pas de mines américaines. Comprenne qui pourra..
[1] Sans reproduire jusqu’ici à l’intérieur de l’état-major, les luttes qui opposent Mac Chrystal et Eikenberry, ambassadeur US et ancien COMISAF lui même.
[2] et qui fait l’objet de l’autre texte
[3] La zone de décollage est en terrain ouvert.
[4] Rien ne fait obstacle à ce que des détenus soient rendus aux autorités afghanes pour être jugés selon les termes de la loi afghane, le droit afghan étant immédiatement et concurremment applicable. Rien, si ce n’est que des questions de preuve se posent, que les juridictions ne sont pas prêtes, que la protection des juges n’est pas assurée, et que par ailleurs si ce centre doit être dans un avenir indéterminé remis aux afghans, la formation des gardiens n’est pas suffisante, les budgets n’existent pas et seul le ministère de la Défense pourrait s’en occuper en pratique alors que le centre devrait relever en toute logique du ministère de la Justice.
[5] Au cours des conversations que j’ai eues avec le général commandant la TF 435, il a clairement indiqué que le cadre juridique applicable à son opération est le DCA et l’article 3 commun aux Conventions de Genève. Il n’a pas été question de la Clause Martens, que l’on trouve à GC III, article 142, certainement applicable. L’applicabilité du GP I add aux GCs reste discutable, les opérations US sous OEF n’étant pas limitées à l’Afghanistan, mais s’ils l’ont signé, les US ne l’ont pas ratifié et ne veulent pas lui reconnaître d’effets de bonne foi (pacta sunt servanda).
[6] L’ensemble des cas est revisité tous les six mois par un Detainee Review Board, cette procédure ayant un caratère administratif et non judiciaire, et elle n’offre pas les garanties du débat judiciaire (absence de conseiller/défenseur, règles de preuve indéterminées, etc..)
[6] Pour tout dire les autorités US indiquent que les infrastructures d’accueil des familles des détenus pour les visites ont été conçues en liaison avec le CICR. Il n’en reste pas moins vrai que des empreintes biométriques systématiques seront prises pour tous les visiteurs (CICR excepté, j’imagine).
[7] Les détenus peuvent être relachés quand ils sont jugés ne plus présenter de danger pour les US ou la coalition. Dans ce cadre, j’ai demandé si des mesures de mise en liberté pour raisons compassionnelles existaient ou étaient mises en pratique. Un détenu a ainsi (j’ai posé la question au général commandant la Task force, puis au médecin chef, puis à l’officier renseignement, pour un recoupement complet) été libéré pour un cancer du pancréas peu de temps avant sa mort. Il a témoigné auprès de ses codétenus de la qualité des soins apportés et de son changement d’attitude et de pensée vis à vis des américains avant de partir. Il a aussi téléphoné à ses proches et leur a aussi indiqué que les américains ne sont pas aussi mauvais que l’on pense et qu’ils sont même plutôt bien…Tout cela était évidemment enregistré et il devait le savoir.
[8] Il m’a été précisé par la représentante du Department of Justice que les US n’envisageaient pas a priori de transférer de prisonniers de l’étranger vers ce nouveau centre de détention. Il n’est pas possible de le vérifier ou de s’assurer qu’il n’y en a pas déjà.
[9] Une des suggestions que j’ai pu faire, assez bien accueillie, consiste à modifier la couleur des vêtements des prisonniers, orange fluorescent pour marquer/signer un changement notable par rapport au sinistre Guantanamo.
[10] Il m’a été précisé que les US n’envisageaient pas a priori de transférer de prisonniers de l’étranger vers ce centre de détention. Il n’est pas possible de le vérifier ou de s’assurer qu’il n'y en a pas déjà